Paul Chevanard, Divina Tragedia, 1869
Il ne reste que le vent
Je suis piégée dans les bronches d’une forêt.
Les saules laissent leurs larmes s’écouler sous mes doigts,
je respire les vestiges d’une tempête,
la chaleur d’un lac entre deux arbres.
L’orage brise mes souvenirs,
j’étouffe sous une pluie qui encombre mes racines.
Le ciel agonise sous ses nuages,
le cœur tambourine par dessus l’air,
il n’y a que l’ombre de mes restes
qui subsiste à l’été.
Je suis piégée au cœur d’une forêt,
Juin chuchote des vers sous mes pieds.
Les vents écrasent les branches,
les bronches ne répondent plus.
L’air résonne à tue-tête
Là, dans le vide,
Il y a silence entre les feuilles,
des grenouilles croassent une messe noire dans l’étang,
l’orage s'essouffle;
Il ne reste que le vent.
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Consolations
Les yeux croisent l’air,
le ciel s’étouffe,
Les pâquerettes suintent dans l’herbe.
On entends les vestiges d’un soleil
caresser l’écorce d’un arbre perdu.
Morceaux de chaleur dans le froid livide.
Le ciel s’étouffe
et les pieds dans l’herbe,
le cœur dans l’air
ne suffisent pas.
Mes pas poétisent des vers enchantés,
Je sens le temps ralentir sous moi.
Le goût du pollen dans ma bouche,
le goût de la peur dans l’estomac.
J’ai poignardé la lune un soir
de pleine
lune
Elle se meurt sous le soleil
Inutilement.
Les ronces forment l’invisible entre leurs branches
les formes furtives de l’humain
qui font semblant de vivre.
Semblant de vie,
marcher au ralenti
le temps ralentit
sentir l’oxygène se décomposer en soi.
Penser à mourir
en forêt
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Sodome et Gomorrhe
Les brumes s’emmêlent aux cendres encore chaudes du ciel,
Le crépuscule peine à embraser la lune,
La chaleur lourde des forêts enflammées fait crépiter les os,
qui fondent sous les vallées.
Je suis une statue de sel,
ensanglantée
J’ai incendié les larmes de mon coeur figé,
grillé sur le seuil de mon tombeau.
Il fait flamme à l’orée d’un ciel orageux,
où l’éternelle pleine lune réchauffe mes doigts gelés.
Le chalumeau brille,
feufolet aux rayons pourpre glissant
sur l’étreinte des murs.
J’ai brûlé les vestiges de mon âme.
J’ai brûlé les souvenirs sourds,
pesant lourd au creux de mon dos.
La faune s’écrit,
et j’écris le silence du crépitement sombre des cendres.
Il ne reste que le temps,
défilant lentement sous les racines
des saules calcinés.
La carcasse de mon corps,
tel Sodome et Gomorrhe,
sonne des psaumes profanes,
qui font pourrir l’or.
Je ne crois plus au ciel orageux.
Poèmes écrits et publiés par Vanessa Claire